Touhou 4 Lotus Land Story [PC-98]
Touhou est une série de danmaku fondée par un seul homme et qui, grâce à un univers énorme, des patterns magnifiques et des jeux de qualité, possède la plus grosse communauté de ce genre. C’est ce quatrième épisode qui va définir le style de la série. En effet, chaque jeu jusque là était d’un type différent : casse-briques avec des éléments de shoot them up (Touhou 1), danmaku (Touhou 2) et même versus shooting (ou danmaku compétitif, Touhou 3), ici nous avons donc à faire à un Danmaku.
Depuis le départ du vaisseau des rêves, le pays où règne la magie, Gensyoko, écoule des jours paisibles jusqu’à ce qu’une tripotée de youkais (comprenez des démons) attaque le sanctuaire Hakurei (ben tiens) et qu’une puissance effarante se fasse sentir dans un lac haut dans les montagnes. La miko Reimu Hakurei va une fois de plus devoir éradiquer la menace, enfin si elle ne se fait pas damer le pion par son ancienne rival Marisa Kisame attirée par le pouvoir émanant des montagnes.
Là où le scénario de Phantasmagoria of Dim.Dream pouvait prétendre être un minimum travaillé (rencontre entre le monde magique et scientifique, lutte pour les rêves de chacun), celui de Lotus Land Story retourne plus dans le prétexte et traite du thème des rêves proprement dits, sans grande conviction.
Mais comme je l’ai dis l’intérêt scénaristique d’un Touhou se situe davantage dans son univers : ses personnages, leur caractères, les thématiques qu’ils véhiculent, les lieux traversés, les noms donnés aux protagonistes, niveaux, musiques… aux inspirations diverses et j’irais presque jusqu’à dire, parfois, emprunt d’une certaine poésie.
A titre d’exemple, je prendrai deux boss faisant apparition dans cet épisode : Elly, dont le design est inspiré de l’Ankou (divinité de la mort en Bretagne) et Yuuka étant associée au temps dans sa première forme (elle semble, par ailleurs, faire penser à une incarnation humoristique de Morphée) puis est associé aux fleurs, parfum, vent dans sa deuxième forme (son nom y faisant d’ailleurs référence).
Image droite : Ce boss utilise sa faux comme un boomerang
Au niveau du gameplay, le jeu apporte une foule de nouveautés :
- On retrouve Marisa en tant que deuxième personnage jouable (oui, ça aurait été bête de ne mettre que Reimu après la foule de personnages du 3).
Les deux protagonistes sont divisés en deux types (qui ressemblent plus à des variantes qu’aux styles de combat du 2), ainsi Reimu adoptera un style basé sur la défense : tirs en éventail peu puissants, et Marisa un style plus porté sur l’attaque : tirs droits en avant, plus puissants.
Dans leurs types A : Reimu utilisera deux projectiles à tête chercheuse alors que Marisa utilisera deux lasers séquentiels un plus techniques à utiliser. - À la manière d’un Radiant Silvergun vous gagnerez des points en frôlant les projectiles, la prise de risque est donc, cette fois, récompensée.
- Une perte de continue vous donne, ce coup-ci, un item permettant de vous mettre Full Power. Pas de baisse d’action donc, étant donné que l’on reste toujours à un certain seuil de puissance. Ça demeure un détail assez anecdotique dès lors que l’on souhaite one credit clear le jeu.
- Une barre de vie apparaît pour symboliser celle des boss et mini-boss, ce qui a surtout du sens pour la nouveauté suivante.
- Les boss sont maintenant, distinctement, découpés en phases. Une fois un certain nombre de vies perdues, les projectiles ennemis sont tous annulés, le boss perd des bonus et arrête ses attaques un court instant pour reprendre de plus belle avec de nouveaux patterns.
- Une fois à pleine puissance, tous les projectiles ennemis sont détruits. C’est à la fois un facteur chance et une chance de prolonger le répit lors du lâcher de bonus des boss.
- La dernière phase lors d’un boss est souvent la plus chaotique. Comme dans une tempête, l’écran est submergé de boulettes. C’est une incitation, un peu dangereuse, à augmenter votre score puisque tous les projectiles ennemis sont convertis en point lorsque le boss rend son dernier souffle.
- L’utilisation d’une bombe attire tous les bonus vers vous pendant toute sa durée d’utilisation.
Le jeu se renouvelle donc agréablement, en étant plus dynamique et en possédant plus d’éléments à gérer. Les boss possèdent à la fois des patterns plus nombreux et plus travaillés et les déluges de boulettes recouvrant l’écran, plus fréquents, sont un régal visuel.
D’ailleurs venons-en à la partie visuelle. Le premier niveau nous voit remonter un chemin de montagne extrêmement générique qui a le mérite de pouvoir se jouer de nuit si on contrôle Marisa. Le deuxième niveau nous voit survoler un lac de sang situé en haut de la montagne qui est représenté par une grande étendue d’eau violette moche. Le troisième niveau se passe dans le Fantasy World qui est représenté par un niveau moche de terre rouge et d’espace. Le quatrième niveau est le premier se passant dans le Mugenkan (le manoir des fantaisies appartenant à Yuuka) et nous voit survoler une longue nappe à carreau rouge moche. Le cinquième niveau, qui est enfin un bon niveau, utilise comme fond une pluie d’étoiles géantes qui révèle un fond avec des pendules se trouvant derrière (ZUN dit s’être inspiré d’une chambre à coucher pour faire le design du Mugenkan).
Image gauche : Les ennemis sont ici partiellement de la couleur du stage, restez concentrés !
Alors oui, ça change tout de même pas mal de Touhou 3 et ses arrière-plans monoteintes tristes et sans vie mais on est quand même loin de Touhou 2 (et encore plus de Touhou 5) pour les niveaux.
Dans _Touhou 2, l_e premier niveau consistait à remonter l’extérieur du sanctuaire Hakurei dans un long niveau qui ne se répétait pas (et qui sera reproduit dans Touhou 10 pour représenter le Moriya Shrine). Touhou 1 se déroulant au sanctuaire et dans des passages proches, cela marquait une continuité.
Le deuxième niveau nous voyait remonter une rivière de nuit avec la superbe musique “End of Daylight”, musique qui commence de façon très calme et mélancolique mais qui devient épique en son milieu, l’un des plus beaux niveaux de toute la série.
Le reste des niveaux, encore une fois fantastiques et mystiques, étaient moins inspirés mais ils étaient tout de même bien mieux que ce qu’on pouvait trouver dans cet opus. Même le combat contre Marisa dans le 2 était plus beau car il y avait des animations en fond qui symbolisaient la traversée de l’espace alors qu’ici nous avons un fond fixe.
C’est dommage on dirait que pour les niveaux, ZUN a juste un tout petit peu travaillé sur le niveau 5 puis a passé la quasi-totalité de son temps sur le vrai boss final.
L’affrontement contre le dernier boss est vraiment superbe
Oui car l’affrontement contre le sixième et véritable dernier boss (qui ne peut se faire que lorsqu’on n’utilise pas de continue) est absolument magnifique. Que ce soit le décor animé, déformé et changeant de couleur, le boss très grand et très bien animé ou la beauté et la diversité de ses patterns, sans oublier enfin l’excellent boss thème “Inanimate Dream” faisant penser à celui de la bataille finale de Touhou 2 “Complete Darkness”, tout est magnifique et on joue presque à jeu égal avec le combat contre Sariel (aka le premier boss final de Highly Responsive to Prayers).
Il vous faudra toutefois faire preuve de patience pour pouvoir y accéder.
Lors de tous les combats de boss, le décor est changé et leurs patterns, selon la couleur, la forme et la manière dont ils coordonnent les boulettes, créent de très beaux effets visuels. A noter que le troisième boss, Elly, utilise même les éléments du décor pour se battre en début de combat, ce qui est assez original.
Au niveau dessin, ZUN a dû s’améliorer entre-temps puisque que l’on a moins honte de certains écrans, d’ailleurs je dirais même que c’est très correct. Il y a toujours des résultats assez étranges comme la bombe de Marisa ou, comme toujours, toutes les fins que comporte le jeu mais ne crachons pas dans la soupe : les dessins usuels sont tous très réussis (au moins on n’a plus un écran titre mal dessiné comme celui de Touhou 3).
Pour les musiques on retrouve toujours le même style oriental cher aux Touhou. Les thèmes sont toujours très bons mais prennent plusieurs parties/écoutes avant de vraiment commencer à s’apprécier. Quelques exemples des meilleurs chiptunes qui composent le jeu : “Witching Dream”, “Perdition Crisis” et s’il ne fallait en retenir qu’une, “Alice Maestra”, sublime.
À noter que Lotus Land Story compte aussi la musique originale “Bad Apple !!”, qui est un thème cher à la série mais qui laisse vraiment de marbre ici.
Image gauche : prenez en compte les indications si vous ne voulez pas être pris à revers
Côté difficulté/durée de vie le jeu se finit aisément en à peine deux essais mais si vous ne one credit clear pas le jeu vous n’aurez pas accès au dernier niveau/boss ainsi qu’aux vraies fins et au mode Extra Start, ce qui est littéralement passer à côté du jeu.
Touhou 4 est, à ce titre, plus difficile car dorénavant jouer en mode Facile revient à considérer que vous avez utilisé un continue ! Si vous avez des difficultés, un mode slow est cependant disponible ce qui devrait réduire la vitesse et aider les moins patients.
Une fois véritablement fini le jeu une fois (oui, il n’y a besoin de le faire qu’une seule fois ce coup-ci), vous débloquerez le mode Extra Start qui consiste toujours en un unique niveau suivi d’un boss extrêmement difficile (d’ailleurs, celui de cet épisode est reconnu comme le boss le plus difficile de la série, il va falloir s’accrocher). Pour prolonger encore un peu vous avez toujours la folle quête du high scoring ou finir le jeu en Hard voir en Lunatic pour les plus fondus. Une durée de vie très honorable donc.
Moins mémorable qu’un The Story of Eastern Wonderland, Lotus Land Story se réessaye au danmaku et apporte plein d’améliorations à la série, des patterns plus nombreux et travaillés, des tempêtes de boulettes. Au final il est bien plus dynamique et possède d’excellents effets visuels.
Date de sortie : 1998
Article publié originellement sur Gamekult le 17/07/2013